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Pour beaucoup l’écran numérique a pris la place de la réalité du quotidien. Nous vivons souvent dans des mondes parallèles où l’expérience existentielle du présent a été repoussée et remplacée par des simulacres, des hybrides de la réalité dont l’écran est le lieu de leur manifestation privilégié. Ce lieu est devenu à la fois une nouvelle réalité physique et psychique de tous les jours, elle nous modifie en permanence et nous avons énormément de mal de vivre sans elle. Un nouveau Veau d’Or aux multiples facettes, un miroir de nos désirs jamais entièrement satisfaits, de nos pensées, de nos actions, de nous. On pourrait même risquer un adage légèrement modernisé : « Montre-moi ce que tu regardes et je te dirai qui tu es. ». Et pourtant toutes ces images chatoyantes et plus ou moins animées sont, semble-t-il, très éloignées de la vraie vie, voire de la vérité et de ce qui est vraiment important pour nous. La néo-vérité, l’avatar du mensonge, poursuit son chemin et l’ange des ténèbres déguisé en ange de lumière est toujours présent pour nous séduire et nous amener là où nous ne devrions peut-être pas aller.

Face à ce constat, y a-t-il de la place pour la photographie présentées sur ces pages ? La pratique de l’image en vogue aujourd’hui et facilement accessible grâce aux multiples outils technologiques dernier cri à portée de mains, prend ici une forme presque archaïque, démodée et dure. Des photographies monochromes sur papier, de la matière, des sels d’argent noircis pour communiquer la pensée par image. Peut-être, paradoxalement, exactement maintenant, cette photographie est-elle la plus importante et nécessaire. Déjà, sans le vouloir en priorité, par sa présence, elle s’oppose et elle s’impose. Elle semble rappeler quelque chose qui a été oublié et qui a de la valeur. Elle ne crie pas et ne cherche pas du spectaculaire, elle n’a pas pour but d’exciter nos instincts les plus énergiques, de nous proposer de vivre des sensations trépidantes éphémères, encore moins de nous choquer ou blesser. Au contraire, elle souhaite nous laisser en paix et soigner un peu. Pour que cela soit possible, cette photographie doit être vue en vrai, lue avec le corps et l’esprit, car elle possède les deux. Désirez-vous en prendre connaissance ?